Sujet: Skylar & Gaby ✘ On ne croit que ce que l'on veut croire Ven 26 Juil - 18:37
" On ne croit que ce que l'on veut croire"
C'était l'une de ces journées qui promettaient d'être extrêmement relaxante dès le lever du jour. On était Dimanche, et contrairement aux autres jours, la troupe n'était pas obligée de se réunir tôt le matin pour tester une nouvelle chorégraphie farfelue imaginée par leur metteur en scène. Comme chaque matin, je me levai en regardant perplexe autour de moi, le moindre signe de changement dans ma chambre. C'était presque devenue une routine accablante. Rien de bien grave à priori, juste une légère écorchure au mur, probablement occasionnée par la boite à bijoux qui avait déversée son contenu un peu plus bas. En soupirant de soulagement, je me mis à ranger les colliers et bracelets qui avaient passé une nuit mouvementée. Si on m'avait dit que quelques antidépresseurs et quelques séances de groupes me permettraient d'aller mieux, je m'y serait mise des mois auparavant. Depuis que j'avais débuté mon traitement, mes crises s'étaient atténuées jusqu'à ne plus arriver que rarement, et de faible intensité.
Je m'habillai de ma tenue d'entrainement de danse qui était composée d'un débardeur simple et de collants, puis me dirigeai comme chaque matin vers le Cookie Crush, qui bien évidement était bondé de bonne heure. Je ne savais pourquoi je me bornais à faire la queue durant des dizaines de minutes alors que je pouvais tout bonnement essayer un autre établissement. Mais il faut croire qu'il porte bien son nom. Ses cookies doivent contenir une substance addictive qui ferait son succès. Après m'être procurée mon cappuccino quotidien, je me mis en direction du Parc. Généralement, les dimanches matin, j'adorais passer la matinée à m'y entraîner. Et je devais l'avouer, entre les joggeurs et les enfants qui jouaient, je passais quasi inaperçue.
Ce qui était également drôle les dimanches matin, c'est de voir les mines gênées des père de familles quand il me croisaient. La plus part d'entre eux cachaient à leur femme qu'ils se dirigeaient vers le Juicy Cabaret pour une soirée de folie au lieu d'assister à leur dîner d'affaire. Dès qu'ils l’apercevaient, certains devenues rouges et commençaient à balbutier pour attirer l'attention de leurs femmes, d'autres changeaient tout simplement de chemin. Quel égoïsme. A croire que les filles du cabaret se prostituaient, alors qu'elle ne faisaient que danser. D'ailleurs, c'était leurs attitudes gênées qui attiraient aux danseuses tant de rumeurs et tant de critiques. Car si ils se comportaient normalement et disaient la vérité à leurs femmes, nul ne penseraient qu'elle travaillaient dans l'interdit.
J'arrivai à mon coin préféré du parc. C'était une zone d'ombre où se balançaient paresseusement les branches d'un chêne qui devait avoir une bonne centaine d'années. Je mis mes écouteurs, et lançai la musique sur mon téléphone. Dès lors, je ne remarquai plus ce qui se passait autour de moi. Portée par la musique, j'enchaînai la série de mouvement que je m'apprêtais à exercer le soir même sur scène devant des centaines d'hommes, et parfois de femmes curieuses. Si les filles me voyaient, elle me traiteraient encore de travailleuse invétérée. Tandis qu'elles se prélassaient et faisaient la grasse matinée au lit, je me dirigeait vers le parc où je s’entraînais encore et encore. Et pour cause, je savais pertinemment que si je voulais garder ma place de Leader de troupe, je me devais de garder un niveau supérieur aux autres. Ma chorégraphie s'arrêta quelques minutes plus tard, essoufflé, j'enlevai mes écouteurs et me laissai tomber dos au mur.
Je scrutais les horizon en observant le comportement de chacun. Au parc, on voyait de tout. Il y avait les poètes qui y trouvaient leur inspiration, les acteurs qui y répétaient en compagnie de connaissance. Les vieillards qui donnaient des graines aux pigeons, le stéréotype total. Néanmoins, un petit garçon attira mon attention. Il se tenait à quelques mètres de moi et jouait d'un air angélique. Il s’efforçait depuis quelques minutes à exercer une roue parfaite, retombant sur ses genoux à chaque fois. Je souris avec bienveillance en le regardant faire. Il me rappelait mes débuts. Enfant, j'avais l'habitude de m'enfermer dans ma chambre et de tenter d'exercer toutes les figures que je voyais à la télévision. Avec bien sur, pas plus de chance que l'enfant qui se trouvait devant moi.
Poussée par un élan de tendresse, je me levai et me dirigeai vers lui alors qu'il retombait une énième fois. Je m'accroupis pour me mettre à sa hauteur et souris. "Salut toi... ça te dirais que je t'apprenne à faire ta roue correctement?" Je continuai d'afficher mon sourire dans l'attente de la réponse de l'enfant. Si à l'époque, on m'avait proposé de m'apprendre, j'aurais été ravie. Et j'aurais jeté aux oubliettes toutes les mises en garde de ma mère contre les inconnus et le fait que je ne devais pas leur parler. C'était de figures artistiques qu'il s'agissait !
Skylar & Gaby ✘ On ne croit que ce que l'on veut croire